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aux urnes voter pour les hommes de vérité, pour les martyrs du peuple. Toutes les questions, on voulait les résoudre en toute vérité et en toute justice, à la gloire de la sainte Russie. Les socialistes-révolutionnaires russes triomphaient. Une révolution sans effusion de sang, — voilà qui était la Russie, et non pas l’Europe pourrie, hein !


IV

C’est là qu’apparut pour la deuxième fois l’impuissance politique et l’incapacité de cette partie de l’intelliguentsia, à qui le pouvoir échut après le renversement du Tsar. Le Gouvernement Provisoire, comme je le disais, n’a rien su faire. Il régnait, mais il ne gouvernait pas. Derrière son dos, gouvernaient les Soviets qui, tout en ne faisant rien de positif, se faisaient les instruments de destruction du pays, destruction poussée au maximum. Dans les Soviets, il y avait lutte entre les socialistes-révolutionnaires d’une part et les bolchéviks de l’autre. Les deux partis en lutte en appelaient au peuple. Or, le peuple, pendant plusieurs mois, demeura silencieux. Il attendait. Il espérait que le gouvernement trouverait un moyen de reconstruire le pays en rapport avec cet idéal du droit qui vivait dans l’âme populaire. Mais de gouvernement, il n’y en avait pas. Il n’y avait que des partis en lutte qui étaient, aussi peu que possible, préparés à l’action gouvernementale. Le peuple, ses besoins, personne ne reconnaissait ni l’un ni les autres, personne ne voulait les connaître. On ne se préoccupait que d’une chose : à qui reviendrait le pouvoir ? Et comme, tout de même, on supposait que le pouvoir appartiendrait à celui qui saurait gagner les sympathies de la majorité de la population, c’était une émulation d’un ordre spécial qui commençait à naître entre les partis : lequel des deux réussirait le plus vite à faire le plus de promesses au peuple. Et des promesses, on en faisait sans fin. Tantôt on autorisait le peuple à s’emparer des terres, tantôt des biens mobiliers, etc., etc. « Tout est à vous ! Prenez ! » — tel était le dernier mot des représentants des partis. Et petit à petit