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En effet, les Anges, l’ayant aperçu, avaient rebroussé chemin d’un coup d’aile et, emportés par leur vitesse, un moment ils s’étaient avancés encore sur le flanc, mais ils avaient enfin réussi à se retourner. L’éclair de leurs épées en même temps s’était éteint. Ils n’étaient plus dans la distance qu’un nuage que le vent emporte, devenu déjà comme un flocon blanc, une touffe arrachée à la brebis qui passe par les ronces au bord du chemin, de la graine de pissenlit quand les enfants soufflent dessus.

Pourtant le ciel restait ouvert et voilà qu’une nouvelle troupe parut. C’est les Anges consolateurs, ceux qui ont mission de veiller sur les hommes. Eux se tenaient immobiles dans leurs longues robes à plis droits. Ramenant devant eux leurs grandes ailes de couleur, ils s’y enfouissaient le visage : ainsi, quand une petite fille a du chagrin, elle se cache derrière son bras pour pleurer. Et quelques-uns d’entre eux voulurent s’avancer quand même, n’ayant peut-être point perdu espoir, mais ils furent retenus. Et eux aussi alors ils baissèrent la tête et eux aussi pleuraient, sentant leur impuissance, mais l’homme s’est détaché de nous, dont nous étions le gardien, et l’homme doit s’aider soi-même. Cela fut encore un instant une couronne bleue sur fond gris noir, au ciel : cela s’y fondit peu à peu ; cela pâlit en vacillant, comme un reflet dépourvu de substance et bientôt il n’y eut plus rien de l’entrechoquement en tout sens des nuées qu’un vent qui s’était levé déplaçait. Il fit de nouveau presque nuit :

— Vous voyez bien, disait Branchu, ça n’était pas si terrible.

Il cracha. On voyait l’église, mais un brouillard venait qui cachait le clocher.


4

Les réjouissances recommencèrent à l’auberge, tandis que les gémissements là-bas ne cessaient plus.

Agenouillés devant leurs crucifix, ils priaient, ceux du moins qui le pouvaient encore ; et bien que ce secours leur eût déjà fait défaut une fois, ils s’y obstinaient néanmoins, comme au seul sur quoi ils pussent compter. Ce que nous avons fait tous ensemble, peut-être y aura-t-il plus d’efficacité à le faire chacun pour soi, peut-être que la prière est mieux entendue qui n’est