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Elle préfère le martyre à la trahison de soi-même,
Et, à travers la souffrance, elle attend l’avenir de justice,
Elle l’attend, avec la certitude
De sa résurrection
Et de triomphe de la Liberté dans le monde entier.
L’épée est triste dans sa main,
Ses bras sont chargés de chaînes,
On l’a rendue esclave,
Et l’on se moque d’elle,
On la méprise,
Et l’on exploite durement la sueur de son front.
Mais elle n’est pas esclave, puisque son âme est restée libre.

De ses mains enchaînées
Elle crée de la Beauté,
Elle pare l’Orient de palais féeriques et de temples,
Elle l’émaille de fines sculptures et de peintures gracieuses,
Elle façonne des étoffes où le clair de lune semble fixé
Et des tapis où semblent se mirer des paradis de rêve

Et des tuniques où flamboient les couchers somptueux des soleils du Levant ;

Elle décore d’une splendeur d’art la vie grossière de ses maîtres barbares.

Les plus belles fleurs, les fleurs les plus pures et les plus intimes de son âme,

Elle les conserve, les développe, les cultive,

Dans les recoins recalés de ses vallons, dans le recueillement de ses chaumières rustiques

Ou au fond de ses couvents nichés sur de solitaires hauteurs,
Sous la chaleur de ses larmes, de ses rêves et de sa foi ;

— Ô le ruissellement lumineux, pur comme les sources des montagnes,

De sa poésie, toute jaillie du cœur !
Ô la vive et charmante fantaisie de ses images colorées ornant les manuscrits sacrés !
Ô la sublime tristesse des hymnes mystiques,
Les envolées et les ascensions,