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Conserve, rebâtit, perpétue la maison ancestrale.
Et voici se lever l’aurore du monde nouveau ;
L’Ararat, qui jadis reçut l’arche ;
Reçoit les premiers rayons de l’aube nouvelle.

Plus grand que son grand Tigrane qui soumet à son sceptre l’Orient tout entier,

Éleva une cité puissante toute parée d’art hellénique,
Et ne fut vaincu que par Rome,
Plus grand que tous ses héros,
Qui, ceints du diadème national,

Firent éclater sur les champs de bataille la vaillance de la race,

Fut ce peuple lui-même, quand, le premier parmi les peuples,
Il arbora sur la tête d’un de ses rois
Le symbole de la doctrine de fraternité et de liberté,
Le signe d’amour et de justice,
L’emblème de la force spirituelle,
Se dressant, comme le soleil contre les ténèbres,
Contre les doctrines du vieux monde,

Adoratrices de la Force brutale, basées sur la haine et l’iniquité.

Et voici, dès lors, toutes les hordes de l’Asie,

Comme des nuages d’orage, gonflés de grêle et chargés de foudres,

Les unes après les autres, pendant des siècles,
Se ruant sur cette race…
Longtemps, elle lutte et tient tête à tout un monde,
Elle lutte et défend l’Idée nouvelle ;
Elle souffre toute la souffrance, et résiste ;

Son corps, déchiqueté, s’affaisse à la longue, mais son âme demeure intacte ;

Elle est tout entourée, engloutie d’ombre, mais sa lumière intérieure reste inextinguible ;

Elle subit toutes les morts et ne meurt pas.
D’autres peuples, autour de lui, cèdent à la violence,
Vendent leur âme, renient leur esprit,

Adoptent, pour se soustraire à la souffrance, la foi de l’envahisseur,

Se déforment et se dégénèrent ;