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MERCURE DE FRANCE—i-xii-1918

Ceux qui ont imaginé la fable d’Icare, si merveilleusement réalisée aujourd’hui, en trouveront d’autres. Ils vous entraîneront tout vivants et éveillés dans le monde nocturne et fermé des songes. Dans les univers qui palpitent ineffablement au-dessus de nos têtes. Dans ces univers plus proches et plus lointains de nous qui gravitent au même point de l’infini que celui que nous portons en nous. Et plus de merveilles que celles qui sont nées depuis la naissance des plus anciens d’entre nous feront pâlir et paraître puériles les inventions contemporaines dont nous sommes si fiers.

Les poètes enfin seront chargés de donner par les téléologies lyriques et les alchimies archilyriques un sens toujours plus pur à l’idée divine, qui est en nous si vivante et si vraie, qui est ce perpétuel renouvellement de nous-mêmes, cette création éternelle, cette poésie sans cesse renaissante dont nous vivons.

D’après ce que l’on peut savoir, il n’y a guère de poètes aujourd’hui que de langue française.

Toutes les autres langues semblent faire silence pour que l’univers puisse mieux écouter la voix des nouveaux poètes français.

Le monde entier regarde vers cette lumière, qui seule éclaire la nuit qui nous entoure.

Ici cependant ces voix qui s’élèvent se font à peine entendre.

Les poètes modernes sont donc des créateurs, des inventeurs et des prophètes ; ils demandent qu’on examine ce qu’ils disent pour le plus grand bien de la collectivité à laquelle ils appartiennent. Ils se tournent vers Platon et le supplient, s’il les bannit de la République, d’au moins les entendre auparavant.

La France, détentrice de tout le secret de la civilisation, secret qui n’est secret qu’à cause de l’imperfection de ceux qui s’efforcent de le deviner, est de ce fait devenue pour la plus grande partie du monde un séminaire de poètes et d’artistes, qui augmentent chaque jour le patrimoine de sa civilisation.

Et, par la vérité et par la joie qu’ils répandent, ils rendent cette civilisation, sinon assimilable à quelque nation que ce soit, du moins suprêmement agréable à toutes.