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qu’il vient d’écrire, songe uniquement à ceux qu’il va entreprendre, et dans ceux-là envisage surtout le point capital : faire entrer les citations, — ou bien le second volume devait être beaucoup plus court que le premier, — ou bien encore il faut entendre la phrase autrement, et supposer que Flaubert a voulu dire : « mon second volume est fait aux trois quarts ; ce qui me reste à écrire ne comprend presque que des citations », et c’est ce sens-là que, pour ma part, je crois être le bon.

A moins que Bouvard et Pécuchet n’eût atteint des proportions démesurées, — ce qui n’eût pas manqué si le second volume eût offert la même longueur que le premier[1], — il faut bien admettre que la coupure entre les deux tomes devait se faire avant que les deux amis ne se remissent à copier.

Peut-être le premier s’achevait-il.après le neuvième chapitre (la religion) — le dernier auquel Flaubert apporta des corrections qui semblent à peu près définitives — ou même après le huitième. Et il fallait bien qu’il en fût ainsi, pour qu’il ait écrit à sa correspondante que son premier volume était à peu près achevé, la réserve s’appliquant aux corrections que l’achèvement du second eût rendues nécessaires. Peut-être même la coupure se fût-elle faite plus haut. Quoi qu’il en soit, il semble bien que le chapitre X et le plan non développé aient dû, avec le Sottisier, faire partie du second volume.

Encore ne sont-ce là que des conjectures. Bouvard et Pécuchet aurait peut-être eu le sort de la Tentation de Saint Antoine. Quels élagages, quelles refontes aurait subis ce roman ? Et qui sait si, dans la rédaction définitive, la publication de l’ « album » n’eût pas été réduite aux quelques pages les plus typiques ? L’intention de Flaubert était bien de faire un choix ; Maupassant indique dans son élude que la moitié au moins de cet amas de documents devait être supprimée. Flaubert, au surplus, écrivant à Mme Roger des Genettes, à propos de ce formidable dossier haut de huit pouces, « tout cela et rien, c’est la même chose » — n’exprime-t-il pas nettement son

  1. L’Education sentimentale, publiée aussi en deux volumes (Lévy), a, dans l’Edition Conard, 612 pages. Bouvard et Pécuchet en eussent donc eu : 391 (partie achevée), plus trente (partie à rédiger) pour le 1er volume — plus quatre cents pour le second, soit 820 ! Madame Bovary et Salammbô ont, dans la même édition, respectivement 481 et 414 pages. Le premier de ces deux romans a été, lui aussi, publié en deux volumes dans l’édition originale (Lévy).