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dire, un arrangement, comme à quelqu’un de costumé, voilà que la vraie personne en sortit, jusqu’alors secrète et cachée aux yeux, qui fut la Personne qu’on sait, qui eut une queue et des cornes au front, qui fit une horrible grimace, tourna deux ou trois fois sur elle-même, comme si on lui brûlait la plante des pieds, leva les bras, grinça des dents, puis d’un bond traversa la place et avait déjà disparu.

Et tous ceux qui s’étaient donnés à elle furent entraînés à sa suite comme ce qui est aspiré, et une limaille attirée quand on passe l’aimant devant : eux aussi traversèrent la place, comme un vol d’étourneaux quand le vent souffle fort : on les vit tourner les maisons, se précipiter sur la pente : et Marie resta seule, mais qui ne le fut pas longtemps.

Car une musique se faisait entendre, semblable à celle d’un grand orgue qui aurait joué dans le ciel ; le clocher de l’église, comme mu par un contre-poids, s’était aussitôt redressé ; les cloches se mirent à sonner toutes seules, le vol des pigeons revenait, qui s’abattirent avec des petits cris sur le rebord du toit où ils se caressaient les plumes ; et le grand espace d’en haut, dans un vacillement s’ouvrit.

D’abord vinrent Ceux qui tenaient l’épée ou la trompette, et ils soufflaient dedans, et le son était : « rachetés ! » Puis il vint Ceux vêtus de bleu et dans des grandes robes bleues, de dessous lesquelles leurs pieds sortaient nus, se posant à plat sur la pente d’air.

Ils descendirent, ils entourèrent Marie ; ils disaient : « Petite amie de notre cœur, merci à toi, qui as eu la vraie foi, parce que la vraie foi n’attend pas pour agir et elle ne consulte personne. » Et ils disaient ces choses dans un chant, non sèchement, comme elles sont écrites ici ; mais venaient, entouraient Marie, lui posaient la main sur l’épaule, la serraient doucement contre eux, ainsi quand un grand frère est là, qui vous dépasse de la tête. Ils penchaient la tête vers elle, ils avaient des cheveux bouclés, des figures comme une lumière ; et continuellement il en venait d’autres, pareils à une eau qui ne tarit plus.

Alors on vit ce miracle se faire, qui fut qu’au bas de la pente de ciel le long de laquelle ils venaient, à l’endroit qu’elle touchait terre, sous chacun de leurs pieds posée une fleur maintenant s’ouvrait, qui furent cent, qui furent mille, et la pente