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CHAPITRE SEPTIÈME


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Le mois de juin était venu ; il y avait plus de cinq mois qu’elles vivaient ensemble dans leur petite maison d’en haut la montagne.

C’était la grande solitude. Tout près de là les pâturages commencent, qui font se suivre leurs croupes rondes, pour ne finir plus en arrière qu’à la muraille des rochers, et là sont des chalets où montent les troupeaux dans la belle saison, mais, le reste de l’année, nulle part l’homme n’est en vue ; on n’entend rien que le bruit du vent qui passe, on ne voit rien que les nuages, au-dessus, au-dessous de soi ; il n’y a rien que la longueur des jours, suivie de la longueur des nuits. Le bas de la maison était construit en pierre, le haut en poutres de mélèze qui étaient devenues d’un beau rouge foncé ; au rez-de-chaussée était l’étable ; le premier (qui se trouvait être le rez-de-chaussée du côté de la pente, et ainsi le derrière de la maison était enterré), le premier comprenait une chambre et une cuisine ; sous le toit venait le fenil ; c’était tout, elles vivaient là.

Deux toutes petites fenêtres sur le devant qui vous regardent ; une toute petite chambre, avec, dans un coin, un cadre de bois qu’on garnit de paille, une cuisine à qui le toit sert de plafond, et la fumée sort par la porte, une pierre carrée en guise de foyer : elles n’avaient pas autre chose, malgré qu’il fasse très froid là-haut et jusque tard dans le printemps, mais elles ne se plaignaient pas, parce qu’elles s’aimaient et, de cette façon, étaient du moins à l’abri de la méchanceté des hommes, dont elles avaient eu tant à souffrir.

Pendant que sa mère tirait la chèvre, Marie allait chercher