Page:Mercure de France - 1914-06-16, tome 109, n° 408.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jures, peut-être aux coups ; là encore leur étonnement fut grand. Car Branchu avait tout de suite ouvert la fenêtre, demandant à Joseph ce qu’il désirait ; Joseph ne sut pas que répondre.

Sa langue était embarrassée, ce qu’il se mit à dire n’avait guère de sens.

Mais c’est que tout était si calme, si en ordre dans la boutique ! Il y a là un homme qui est en train de cirer son ligneul ; il tourne vers vous une figure claire et les yeux de quelqu’un qui ne songe qu’à son travail. On heurte à sa fenêtre, il pose son marteau, range son cuir sur une chaise : est-ce comme cela que se conduisent ceux qui ont quelque chose à se reprocher ?…

— Soyez assez bon pour entrer, disait Branchu à Joseph.

Et puis, apercevant Communier et les autres :

~ Et ces messieurs aussi, s’ils veulent me faire ce plaisir…

Peut-être qu’il croyait qu’il s’agissait d’une commande. Et que lui répondre, en effet ? La raison venait qui disait : « Il n’est pas suffisant pour accuser quelqu’un que ce quelqu’un ait le nez de travers… Ce n’est pas une raison, non plus, parce qu’une femme est tombée devant chez lui pour que ce soit lui qui l’ait fait tomber… » Et quand l’invitation de Branchu fut venue, Joseph fut pris au dépourvu.

Il ne répondit rien, se contentant de secouer la tête ; et il s’en retourna, les autres avec lui. Il eut l’air de quelqu’un qui s’est trompé d’adresse. Ils revinrent par la ruelle. Il y eut de nouveau les petites barrières des jardins. Et pendant qu’ils s’éloignaient ainsi, Branchu se tenait penché à sa fenêtre, l’air lui aussi de ne pas bien comprendre, l’air de se dire, lui aussi, que sans doute on s’était trompé.

Quatre heures venaient, dans du rose. Le gros nuage pourtant n’avait pas quitté le soleil. A mesure que le soleil s’avançait, il s’avançait pareillement et était dessus comme une paupière. Mais ses rayons, qui dépassaient, avaient été frapper plus bas une brume amassée en haut de la montagne, et de là venait un reflet d’un violet doux sur toutes choses. Le grand clocher de pierre avec sa croix trempait dedans.

On voyait derrière une pente noire, dont le bout pointu, dressé dans le vide, surmontait de très haut le pays d’alen-