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le tueur de grenouilles

Est-ce qu’on n’avait pas le loisir de récolter son bois mort, ses champignons, voire son muguet soi-même ? Quant au fil, lui, le petit Toniot, savait en fabriquer, avec des brindilles dont il avait maintes fois éprouvé la résistance en tendant des pièges aux oiseaux.

Un dimanche, ce fut un colporteur, au lieu et place de la mercière ambulante, qui vendit du fil à la femme du grand Toniot. Ce jour-là on parla moins haut dans la maison vide… Le colporteur dépliait des étoffes. C’était très intéressant. On aurait entendu une abeille faire du miel, et le grand Toniot, la semaine suivante, s’aperçut qu’on lui volait ses oignons.

— Si c’est possible, cria la femelle se hérissant de tous ses crins, si c’est possible d’accuser un brave colporteur bien en règle avec la police, même qu’il m’a montré son permis de vente ! Il n’a pas besoin de tes oignons, sale hibou ! C’est un monsieur bien propre, mettant des souliers tous les jours et buvant du vin le dimanche.

Ce qu’elle n’avouait pas, c’est qu’elle avait offert les oignons en échange de quelques autres politesses louches.

Le grand Toniot baissa le front, renifla du côté de la porte. En effet, cela fleurait le vin chez lui, et il n’ajouta rien, chaque parole lui coûtant un effort cérébral. Du reste, quand il guettait une bête en maraude derrière une haie, il n’avait pas la puérilité de la prendre aux discours, lui !

Mais le petit Toniot se promit naïvement de surveiller leurs oignons.

C’est pourquoi, ayant entendu craquer pas loin du jardin, il s’était levé une nuit, tandis que le père dormait sous son fusil accroché, son père, le