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un insigne blanc au bras, se tenaient au coin des rues. Je ne vis pas grand-chose des méfaits des Martiens avant d’arriver à Wellington Street, où l’Herbe Rouge grimpait par-dessus les piles et les arches du pont de Waterloo.

Au coin du pont, je rencontrai un des contrastes baroques, habituels en ces occasions. Un grand papier, fixé à une tige, s’étalait contre un fourré d’Herbe Rouge. C’était une affiche du premier journal qui ait repris sa publication ; j’en payai un exemplaire avec un shilling tout noirci, que je retrouvai dans une poche. La plus grande partie du journal était en blanc, mais le compositeur s’était amusé à remplir la dernière page avec une collection d’annonces fantaisistes. Le reste était une suite d’impressions et d’émotions personnelles rédigées à la hâte ; le service des nouvelles n’était pas encore réorganisé. Je n’appris rien de nouveau, sinon qu’en une seule semaine l’examen des mécanismes martiens avait donné des résultats surprenants. Parmi d’autres choses, on affirmait — ce que je ne puis croire encore — qu’on avait découvert le « secret de voler ». À la gare de Waterloo, je trouvai des trains qui ramenaient gratis les gens chez eux. Le premier flot s’étant déjà écoulé, il n’y avait heureusement que peu de voyageurs dans le train et je ne me sentais guère disposé à soutenir une conversation occasionnelle. Je m’installai seul dans un compartiment, et, les bras croisés, je contemplai, par la portière ouverte, le lamentable spectacle de toute cette dévastation ensoleillée. Au sortir de la gare, le train cahota sur une voie temporaire. De chaque côté les maisons n’étaient que des ruines noires. À l’embranchement de Clapham, Londres apparut tout barbouillé par la poussière de la Fumée