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alors se diriger vers Londres. Mais de tout cela je n’ai gardé le moindre souvenir. J’errai par la ville — en proie à un accès de démence, et revenant à la raison, je me trouvai chez des braves gens qui m’avaient recueilli, alors que, depuis trois jours, je vagabondais pleurant de rage, à travers les rues de Saint John’s Wood. Ils me racontèrent par la suite que je chantais une sorte de complainte, des phrases incohérentes, telles que : Le dernier homme vivant ! Hurrah ! Le dernier homme en vie. Préoccupés comme ils devaient l’être de leurs propres affaires, ces gens, dont je ne saurais même donner ici le nom, malgré mon vif désir de leur exprimer ma reconnaissance, ces gens s’encombrèrent néanmoins de moi, me donnèrent asile et me protégèrent contre ma propre fureur. Apparemment j’avais dû, pendant ce laps de temps, leur conter des bribes de mon histoire.

Quand mon égarement eut cessé, ils m’annoncèrent, avec beaucoup de ménagements, ce qu’ils avaient appris du sort de Leatherhead. Deux jours après mon emprisonnement, la ville, avec tous ses habitants, avait été détruite par un Marsien, qui l’avait saccagée de fond en comble, semblait-il, sans aucune provocation, comme un gamin bouleverserait une fourmilière, pour le simple caprice de faire étalage de sa force.

Je me trouvais sans famille et sans foyer, et ils furent très bons pour moi. J’étais seul et triste et ils me supportèrent avec indulgence. Je passai avec eux les quatre jours qui suivirent ma guérison. Pendant tout ce temps, je sentis un désir inexplicable et de plus en plus vif de revoir, une fois encore, ce qui restait de ma petite existence passée, qui avait paru si brillante et si heureuse. C’était un