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m’avançai insouciant vers le Titan ; comme j’approchais et que l’aube devenait plus claire, je vis une multitude de corbeaux qui s’attroupaient et volaient en cercles autour du capuchon de la machine. À cette vue, mon cœur bondit et je me mis à courir.

Je traversai précipitamment un fourré d’Herbe Rouge qui obstruait St. Edmund’s Terrace, barbotai, jusqu’à mi-corps, dans un torrent qui s’échappait des réservoirs de distribution des eaux, et avant que le soleil ne se fût levé, je débouchai sur les pelouses. Au sommet de la colline, d’énormes tas de terre avaient été remués, formant une sorte de formidable redoute : c’était le dernier et le plus grand des camps qu’établirent les Marsiens. De derrière ces retranchements, une mince colonne de fumée montait vers le ciel. Contre l’horizon, un chien avide passa et disparut. La pensée qui m’avait frappé devenait réelle, devenait croyable. Je ne ressentais aucune crainte, mais seulement une folle exultation qui me faisait frissonner, tandis que je gravissais, en courant, la colline vers le monstre immobile. Hors du capuchon, pendaient des lambeaux bruns et flasques que les oiseaux carnassiers déchiraient à coups de bec.

En un instant, j’eus escaladé le rempart de terre, et, debout sur la crête, je pus voir l’intérieur de la redoute ; c’était un vaste espace où gisaient, en désordre, des mécanismes gigantesques, des monceaux énormes de matériaux et des abris d’une étrange sorte. Puis, épars çà et là, quelques-uns dans leurs Machines de Guerre renversées ou dans les Machines à Mains, rigides maintenant, et une douzaine d’autres silencieux, roides et alignés, étaient des Marsiens — morts — tués par les bacilles des con-