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se perdaient dans la distance, j’entendis derechef le long gémissement.

À mi-chemin de la gare de Saint-John’s Wood, je trouvai soudain les restes d’une Machine à Mains. D’abord, je crus qu’une maison s’était écroulée en travers de la route, et ce ne fut qu’en escaladant les ruines que j’aperçus, avec un sursaut, le monstre mécanique, avec ses tentacules rompus, tordus, faussés, gisant au milieu des dégâts qu’il avait faits. L’avant-corps était fracassé, comme si la machine s’était heurtée en aveugle contre la maison et qu’elle eût été écrasée par sa chute. Il me vint alors à l’idée que le mécanisme avait dû échapper au contrôle du Marsien qui l’habitait. Il y aurait eu quelque danger à grimper sur ces ruines pour l’examiner de près, et le crépuscule était déjà si avancé qu’il me fut difficile même de voir le siège de la machine tout barbouillé du sang et des restes cartilagineux du Martien que les chiens avaient abandonnés.

Plus surpris que jamais par tous ces spectacles, je continuai mon chemin vers Primrose Hill. Au loin, par une trouée entre les arbres, j’aperçus un second Marsien, debout et silencieux, dans le parc, près des Jardins zoologiques. Un peu au-delà des ruines de la Machine à Mains, je tombai de nouveau au milieu de l’Herbe Rouge, et le canal n’était qu’une masse spongieuse de végétaux rouge sombre.

Soudain, comme je traversais le pont, les lamentables oulla, oulla, oulla, cessèrent, coupés, supprimés d’un seul geste pour ainsi dire, et le silence tomba comme un coup de tonnerre.

Les hautes maisons, autour de moi, étaient imprécises et vagues ; les arbres du côté du parc s’obscurcissaient. Partout, l’Herbe Rouge envahissait les