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munaux, ce matin, au lieu d’être ici ? demandai-je.

— Je prenais l’air, répondit-il, et je rentrais. On est plus en sécurité, la nuit.

— Mais votre ouvrage… ?

— Oh ! on ne peut pas toujours travailler, dit-il.

À cette réponse, j’avais jugé mon homme. Il hésita, toujours appuyé sur sa bêche.

— Nous devrions maintenant aller faire une reconnaissance, dit-il, parce que, si quelqu’un s’approchait, on entendrait le bruit de nos bêches et on nous surprendrait.

Je n’avais plus envie de discuter. Nous montâmes ensemble et, de l’échelle qui donnait accès sur le toit, nous explorâmes les environs. Nulle part on n’apercevait les Martiens, et nous nous aventurâmes sur les tuiles, nous laissant glisser jusqu’au parapet qui nous abritait.

De là, un bouquet d’arbres nous cachait la plus grande partie de Putney, mais nous pouvions voir, plus bas, le fleuve, le bouillonnement confus de l’Herbe Rouge et les parties basses de Lambeth inondées. La variété grimpante de l’Herbe Rouge avait envahi les arbres qui entourent le vieux palais, et leurs branches s’étendaient mortes et décharnées, garnies parfois encore de feuilles sèches, parmi tout cet enchevêtrement. Il était étrange de constater combien ces deux espèces de végétaux avaient besoin d’eau courante pour se propager. Autour de nous, on n’en voyait pas trace. Des cytises, des épines roses, des boules-de-neige montaient verts et brillants au milieu des massifs de lauriers et d’hortensias ensoleillés. Au-delà de Kensington, une fumée épaisse s’élevait qui, avec une brume bleuâtre, empêchait d’apercevoir les collines septentrionales.