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Figurez-vous pouvoir manœuvrer l’un de ces charmants objets avec son Rayon Ardent, libre et bien manié, et se promener avec ! Qu’importerait de se briser en mille morceaux, au bout du compte, après un exploit comme celui-là ? Je réponds bien que les Marsiens en ouvriraient de grands yeux. Les voyez-vous, hein ? Les voyez-vous courir, se précipiter, haleter, s’essouffler et hurler, en s’installant dans leurs autres mécaniques ? On aurait tout désengrené à l’avance et pif, paf, pan, uitt, uitt, au moment où ils veulent s’installer dedans, le Rayon Ardent passe et l’homme a repris sa place. »

L’imagination hardie de l’artilleur et le ton d’assurance et de courage avec lequel il s’exprimait dominèrent complètement mon esprit pendant un certain temps. J’admettais, sans hésitation, à la fois ses prévisions quant à la destinée de la race humaine et la possibilité de réaliser ses plans surprenants. Le lecteur qui suit l’exposé de ces faits, l’esprit tranquille et attentif, voudra bien, avant de m’accuser de sottise et de naïveté, considérer que j’étais craintivement blotti dans les buissons, l’esprit plein d’anxiété et d’appréhension. Nous conversâmes de cette façon pendant une bonne partie de la matinée, puis, après nous être glissés hors de notre cachette et avoir scruté l’horizon pour voir si les Marsiens ne revenaient pas dans les environs, nous nous rendîmes en toute hâte à la maison de Putney Hill dont il avait fait sa retraite. Il s’était installé dans une des caves à charbon et quand je vis l’ouvrage qu’il avait fait en une semaine — un trou à peine long de dix mètres par lequel il voulait aller rejoindre une importante galerie d’égout — j’eus mon premier indice du gouffre qu’il y avait entre ses rêves et son courage. J’au-