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raient volontiers. Quelle blague de prétendre le contraire !

Et je cédai à sa conviction.

— S’ils s’en prennent à moi, dit-il, bon Dieu ! s’ils s’en prennent à moi !… et il s’enfonça dans une sombre méditation.

Je réfléchissais aussi à toutes ces choses, sans rien trouver pour réfuter les raisonnements de cet homme. Avant l’invasion, personne n’eût mis en doute ma supériorité intellectuelle, et cependant cet homme venait de résumer une situation que je commençais à peine à comprendre.

— Qu’allez-vous faire ? lui demandai-je brusquement. Quels sont vos plans ?

Il hésita.

— Eh bien, voici ! dit-il. Qu’avons-nous à faire ? Il nous faut trouver un genre de vie qui permette à l’homme d’exister et de se reproduire, et d’être suffisamment en sécurité pour élever sa progéniture. Oui — attendez, et je vais vous dire clairement ce qu’il faut faire à mon avis. Ceux que les Marsiens domestiqueront deviendront bientôt comme tous les animaux domestiques. D’ici à quelques générations, ils seront beaux et gros, ils auront le sang riche et le cerveau stupide – bref, rien de bon. Le danger que courent ceux qui resteront en liberté est de redevenir sauvages, de dégénérer en une sorte de gros rat sauvage… Il nous faudra mener une vie souterraine, comprenez-vous ? J’ai pensé aux égouts. Naturellement, ceux qui ne les connaissent pas se figurent des endroits terribles ; mais sous le sol de Londres, il y en a pendant des milles et des milles de longueur, des centaines de milles ; quelques jours de pluie sur Londres abandonné en feront des logis agréables et propres. Les canaux principaux