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les Marsiens comme le moineau suit l’homme. Par là-bas, dit-il en agitant sa main vers l’horizon, ils crèvent de faim par tas en se battant et en se trépignant…

Il vit l’expression d’angoisse de ma figure, et il s’arrêta, embarrassé.

— Sans doute, poursuivit-il, ceux qui avaient de l’argent ont pu passer en France.

Il parut hésiter et vouloir s’excuser, mais rencontrant mes yeux, il continua :

— Ici, il y a des provisions partout. Des tas de choses dans les boutiques, des vins, des alcools, des eaux minérales. Les tuyaux et les conduites d’eau sont vides. Mais je vous racontais mes réflexions : nous avons affaire à des êtres intelligents, me dis-je, et ils semblent compter sur nous pour se nourrir. D’abord, ils vont fracasser tout — les navires, les machines, les canons, les villes, tout ce qui est régulier et organisé. Tout cela aura une fin. Si nous avions la taille des fourmis, nous pourrions nous tirer d’affaire ; ça n’est pas le cas et on ne peut arrêter des masses pareilles. C’est là un fait bien certain, n’est-ce pas ?

Je donnai mon assentiment.

— Bien ! c’est une affaire entendue — passons à autre chose, alors. Maintenant, ils nous attrapent comme ils veulent. Un Marsien n’a que quelques milles à faire pour trouver une multitude en fuite. Un jour, j’en ai vu un près de Wandsworth qui saccageait les maisons et massacrait le monde. Mais ils ne continueront pas de cette façon-là. Aussitôt qu’ils auront fait taire nos canons, détruit nos chemins de fer et nos navires, terminé tout ce qu’ils sont en train de manigancer par là-bas, ils se mettront à nous attraper systématiquement, choisis-