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la guerre des mondes

peu profonde et boueuse qu’un faible courant entraînait. Je fus d’abord très surpris de trouver, au plus fort d’un été très chaud et très sec, des prés inondés, mais je me rendis compte bientôt que cela était dû à l’exubérance tropicale de l’Herbe Rouge. Dès que ces extraordinaires végétaux rencontraient un cours d’eau, ils prenaient immédiatement des proportions gigantesques et devenaient d’une fécondité incomparable. Les graines tombaient en quantité dans les eaux de la Wey et de la Tamise, où elles germaient, et leurs pousses titaniques, croissant avec une incroyable rapidité, avaient bientôt engorgé le cours de ces rivières qui avaient débordé.

À Putney, comme je le vis peu après, le pont disparaissait presque entièrement sous un colossal enchevêtrement de ces plantes, et, à Richmond, les eaux de la Tamise s’étaient aussi répandues en une nappe immense et peu profonde à travers les prairies de Hampton et de Twickenham. À mesure que les eaux débordaient, l’Herbe les suivait, de sorte que les villas en ruine de la vallée de la Tamise furent un certain temps submergées dans le rouge marécage dont j’explorais les bords et qui dissimulait ainsi beaucoup de la désolation qu’avaient causée les Marsiens.

Finalement, l’Herbe Rouge succomba presque aussi rapidement qu’elle avait crû. Bientôt une sorte de maladie infectieuse, due, croit-on, à l’action de certaines bactéries, s’empara de ces végétations. Par suite des principes de la sélection naturelle, toutes les plantes terrestres ont maintenant acquis une force de résistance contre les maladies causées par les microbes — elles ne succombent jamais sans une longue lutte. Mais l’Herbe Rouge tomba en putréfaction comme une chose déjà morte.