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musée secret de l’anthropologie philosophique.

Pourtout ce faux rationalisme avec la morale universelle qu’il engendre, promulgué par Kant, favorisé par les philosophes de l’Encyclopédie, résurrection spectrale du phénomène chrétien avec la Révolution française, a été la menace de ce siècle et sa grande maladie. Il faut le tenir pour un symptôme d’anémie et pour un mal de langueur dans tous les groupes sociaux où il s’est manifesté. Car c’est par défaut de force qu’une physiologie ne se traduit plus en les attitudes d’utilités qui lui sont propres et qu’elle croit se reconnaître en un fantôme idéologique dépourvu de réalité. C’est lorsqu’elle est impuissante à engendrer une représentation d’elle-même qu’elle se conçoit autre qu’elle n’est, se reconnaît en des reflets étrangers et, par cette fausse conception, se renie et se supprime.

Le fantôme rationaliste est particulièrement dangereux dans tous les pays où le christianisme s’est manifesté sous la forme catholique ; car il emprunte son apparence vitale et les oripeaux de sa morale universelle à une autre forme religieuse plus voisine du christianisme primitif, à la forme protestante, expression d’une réalité physiologique véritable. Sous couleur de rationalisme, c’est un protestantisme déguisé qui s’offre à la mentalité des races catholiques, et lorsqu’il s’impose il marque, ainsi qu’on l’a noté, la victoire d’une physiologie sur une autre : son triomphe équivaut, pour la race qui le subit, à une défaite sur un champ de bataille. D’ailleurs, il ruine ici toutes les sources de la morale. Car arrachant les racines de la religion et de la coutume, avilissant la tradition où l’esprit scientifique saurait retrouver, et pour les reconstituer en une synthèse, les éléments vitaux du groupe