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Cette hypothèse d’un groupe humain où serait réalisée communément cette mentalité impartiale peut-elle être considérée comme possible ? C’est là un pronostic hasardeux à formuler. Ce que l’on peut constater, c’est que cette mentalité existe déjà de nos jours parmi une élite dans tout groupe humain de civilisation supérieure. On observe, en effet, que, dans l’intérieur d’un même groupe, les fictions successives où se représente la morale, ne se remplacent pas brusquement les unes les autres : il arrive que les plus anciennes se transforment pour une part en les plus récentes et persistent à côté de celles-ci. La religion se mue en la coutume et chez les plus intellectuels se formule en conscience scientifique ; mais après que cette dernière métamorphose s’est produite, la religion et la coutume continuent d’exercer leur empire sur une part plus ou moins grande du groupe social, et il est bon que tous ceux qui trouvent encore en ces modes anciens de l’illusion l’aliment qui leur convient n’en soient pas privés. C’est ainsi qu’une même physiologie ethnique réalise par des modes en rapport avec l’évolution intellectuelle des individus qui dépendent d’elles une même attitude d’utilité. C’est donc un fait favorable à la santé et à la vigueur d’un groupe social que les modes représentatifs de sa morale, différents en degré au point de vue de l’évolution intellectuelle, coexistent et pourvoient aux besoins de la nation tout entière ; mais il est d’une importance suprême que tous ces modes émanent de la physiologie même de la race et ne laissent pas place, à l’état du moins d’influences prépondérantes, à des mo- des enracinés dans la physiologie d’une autre race. Or, c’est, dans chaque société humaine, au groupe