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sont donc considérées par la philosophie de la Connaissance, du point de vue d’une science d’observation, traitant du réel et non du vrai, comme des éléments caractéristiques du phénomène moral. à ses débuts dans la plupart des sociétés.

Poursuivant d’un tel point de vue cette enquête, on constate que ces éléments du fait moral se manifestent à l’origine et d’une façon presque universelle sous la forme de religions. Qui s’intéresse à la science du phénomène moral doit donc étudier les religions avec un soin minutieux. Or, par leur variété et par leurs nuances, en harmonie avec la diversité des races et des groupes humains, elles témoignent de leur caractère physiologique. Mettant à profit ce témoignage, on remarque que le groupe social n’est propre à donner naissance à une religion qu’à une époque déterminée de son évolution. Comme les autres phénomènes naturels, comme la fermentation du vin nouveau sous les douves, comme la crise de la dentition chez l’enfant, comme la crise de la puberté chez l’adulte, le phénomène religieux se produit dans un groupe humain, à une date précise.

A mesure que le groupe s’éloigne de cette date, la loi religieuse perd sur lui son empire et les fictions qu’elle avait instituées perdent leur pouvoir d’illusionner. Le philosophe qui observe le phénomène moral avec une impartialité scientifique et ne fait point métier, selon la guise des moralistes de profession, de l’inventer, de le fabriquer et de le débiter, ce philosophe ne blâme pas la Vie de ce qu’il en est ainsi. Un vin qui vieillit se dépouille ; en même temps il gagne en parfum ce qu’il perd en degré. La religion qu’un peuple s’est donnée perd de même la force par où elle contraignait les volontés ;