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être et si harmonieuse, elle ne saurait jamais devenir vérité et objet de foi absolue. Elle demeure une hypothèse. Comme telle elle possède pourtant une vertu apaisante pour l’esprit clairvoyant qui trouve en elle un équilibre et à qui la certitude offerte en des matières qui ne l’admettent pas ne saurait apporter que malaise et inquiétude.

On a vu Nietzsche donnant du monde une explication circonscrite dans l’intérieur du phénomène, justifier et glorifier l’Etre comme phénomène esthétique. Or, cette explication est entièrement valable pour tout être dont l’énergie, impuissante à s’objectiver en l’illusion d’un bien suprême et d’une finalité, éprouve avec force l’émotion de beauté. Cette émotion, qui s’érige en raison d’être et en sujet de l’Univers fournit alors à l’esprit et à son pourquoi la réponse et le principe d’explication dont il est avide.

D’ailleurs, et de ce que Nietzsche s’est interdit de donner une explication de l’Univers en dehors des limites du phénomène, suit-il qu’une telle explication soit interdite ? L’existence phénoménale a-t-elle un envers ? Une chose en soi est-elle possible ? C’est là en somme l’interrogation la plus anxieuse adressée par l’esprit à la philosophie de la Connaissance. Or cette philosophie ne saurait nier qu’une chose en soi ne soit possible non plus qu’elle n’en saurait affirmer la réalité : la chose en soi, à supposer qu’elle existe, est inconnaissable pour elle-même, telle est la seule proposition que formule sur ce point la philosophie de la Connaissance. Les interprétations de l’Hindouisme et de Schopenhauer demeurent des hypothèses possibles, sous la réserve de cette restriction, qui les situe hors de tout état de connaissance, et que d’ailleurs elles impli-