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j’escaladai le tas de ruines sous lequel j’avais été enterré si longtemps.

Je jetai de nouveau les regards autour de moi. Vers le nord, pas plus qu’ailleurs, aucun Marsien n’était visible.

Lorsque, la dernière fois, j’avais traversé en plein jour cette partie du village de Sheen, j’avais vu une route bordée de confortables maisons blanches et rouges séparées par des jardins aux arbres abondants. Maintenant j’étais debout sur un tas énorme de gravier, de terre et de morceaux de briques où croissait une multitude de plantes rouges en forme de cactus, montant jusqu’au genou, sans la moindre végétation terrestre pour leur disputer le terrain. Les arbres autour de moi étaient morts et dénudés, mais plus loin un enchevêtrement de filaments rouges escaladait les troncs encore debout.

Les maisons avaient toutes été saccagées, mais aucune n’avait été brûlée ; parfois leurs murs s’élevaient encore jusqu’au second étage, avec des fenêtres arrachées et des portes brisées. L’Herbe Rouge croissait en tumulte dans leurs chambres sans toits.

Au-dessous de moi, était la grande fosse où les corbeaux se disputaient les déchets des Marsiens ; quelques autres oiseaux voletaient çà et là parmi les ruines. Au loin, j’aperçus un chat maigre qui s’esquivait en rampant le long d’un mur, mais nulle trace d’homme.

Le jour, par contraste avec mon récent emprisonnement, me semblait d’une clarté aveuglante. Une douce brise agitait mollement les Herbes Rouges qui recouvraient le moindre fragment de sol. Oh ! la douceur de l’air frais qu’on respire !

h. g. wells.
Traduit de l’anglais par henry-d. davray.
(À suivre.)