Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ments étranges et brusques. Pendant un instant, cette marche lente et irrégulière me fascina. Avec un cri faible et rauque, je me réfugiai tout au fond de la laverie, tremblant violemment et à peine capable de me tenir debout. J’ouvris la porte de la soute à charbon et je restai là dans les ténèbres, examinant le seuil à peine éclairé de la cuisine, écoutant attentivement. Le Marsien m’avait-il vu ? Que pouvait-il faire maintenant ?

Derrière cette porte, quelque chose très doucement se mouvait en tous sens ; de temps en temps cela heurtait les cloisons ou reprenait ses mouvements avec un faible tintement métallique, comme le bruit d’un trousseau de clefs. Puis un corps lourd — je savais trop bien lequel — fut traîné sur le carrelage de la cuisine jusqu’à l’ouverture. Irrésistiblement attiré, je me glissai jusqu’à la porte et jetai un coup d’œil dans la cuisine. Par le triangle de clarté extérieure, j’aperçus le Marsien dans sa machine aux cent bras examinant la tête du vicaire. Immédiatement, je pensai qu’il allait inférer ma présence par la marque du coup que j’avais asséné.

Je regagnai la soute à charbon, en refermai la porte et me mis à entasser sur moi dans l’obscurité autant que je pus de charbon et de bûches, en tâchant de faire le moins de bruit possible. À tout instant je demeurais rigide, écoutant si le Marsien avait de nouveau passé ses tentacules par l’ouverture.

Alors, reprit le faible cliquetis métallique. Bientôt, je l’entendis plus proche — dans la laverie, d’après ce que je pus en juger. J’eus l’espoir que le tentacule ne serait pas assez long pour m’atteindre ; il passa, raclant légèrement la porte de la soute. Ce fut un siècle d’attente presque in-