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suppliait, pleurait et finalement menaçait. Bientôt, il prit un ton fort élevé — je l’invitai à crier moins fort ; alors, il vit que par ce moyen il aurait prise sur moi. Il me menaça de crier plus fort encore et d’attirer sur nous l’attention des Marsiens. J’avoue que cela m’effraya un moment ; mais la moindre concession eût diminué, dans une trop grande proportion, nos chances de salut. Je le mis au défi, bien que je ne fusse nullement certain qu’il ne mît sa menace à exécution. Mais ce jour-là du moins il ne le fit pas. Il continua à parler, haussant insensiblement son ton, pendant les huitième et neuvième journées presque entières, débitant des menaces, des supplications, au milieu d’un torrent de phrases où il exprimait une repentance à moitié stupide et toujours futile d’avoir négligé le service du Seigneur, et je me sentis une grande pitié pour lui. Il finit par s’endormir quelque temps, mais il reprit bientôt avec une nouvelle ardeur, criant si fort qu’il devint absolument nécessaire pour moi de le faire taire par tous les moyens.

— Restez tranquille, implorai-je.

Il se mit sur ses genoux, car jusqu’alors il avait été accroupi dans les ténèbres, près de la batterie de cuisine.

— Il y a trop longtemps que je reste tranquille ! hurla-t-il, sur un ton qui dut parvenir jusqu’au cylindre. Maintenant je dois aller porter mon témoignage ! Malheur à cette cité infidèle ! Malédiction ! Malheur ! Anathème ! Malheur ! Malheur aux habitants de la Terre : à cause des autres voix de la trompette… !

— Taisez-vous ! pour l’amour de Dieu ! dis-je en me mettant debout et terrifié à l’idée que les Marsiens pouvaient nous entendre.