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s’éleva peu à peu, jusqu’à ce qu’il eût atteint le rebord du talus.

Le contraste entre les mouvements rapides et compliqués de ces appareils et l’inertie gauche et haletante de ceux qui les dirigeaient était des plus vifs, et pendant plusieurs jours je dus me répéter, sans parvenir à le croire, que ces derniers étaient réellement des êtres vivants.

C’est le vicaire qui était à notre poste d’observation quand les premiers humains furent amenés au cylindre. J’étais assis plus bas, ramassé sur moi-même et écoutant de toutes mes oreilles. Il eut un soudain mouvement de recul, et, croyant que nous avions été aperçus, j’eus un spasme de terreur. Il se laissa glisser parmi les décombres et vint se blottir près de moi dans les ténèbres, gesticulant en silence ; pendant un instant je partageai sa terreur. Comprenant à ses gestes qu’il me laissait la possession de la lucarne et ma curiosité me rendant bientôt tout mon courage, je me levai, l’enjambai et me hissai jusqu’à l’ouverture d’abord. D’abord, je ne pus voir la cause de son effroi. La nuit maintenant était tombée, les étoiles brillaient faiblement, mais le trou était éclairé par les flammes vertes et vacillantes de la machine qui fabriquait les barres d’aluminium. La scène entière était un tableau tremblotant de lueurs vertes et d’ombres noires, vagues et mouvantes, étrangement fatigant pour la vue. Au-dessus et en tous sens, se souciant peu de tout cela, voletaient les chauves-souris. On n’apercevait plus de Marsiens rampants, le monticule de poudre vert bleu s’était tellement accru qu’il les dissimulait à ma vue, et une machine de combat, les jambes repliées, accroupie et diminuée, se voyait de l’autre côté du trou. Alors, par-dessus le tapage de