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de locomotion. À ce propos, il est curieux de remarquer que, même ici-bas, la nature paraît avoir dédaigné la roue ou qu’elle lui ait préféré d’autres moyens. Non seulement les Marsiens ne connaissaient pas la roue — ce qui est incroyable — ou s’abstenaient de l’employer, mais même ils se servaient singulièrement peu, dans leurs appareils, du pivot fixe ou du pivot mobile avec des mouvements circulaires dans un seul plan. Presque tous les joints de leurs mécanismes présentent un système compliqué de coulisses se mouvant sur de petits appuis et des coussinets de friction superbement courbés. Pendant que nous en sommes à ces détails, remarquons que leurs leviers très longs étaient, dans la plupart des cas, actionnés par une sorte de musculature composée de disques enfermés dans une gaine élastique. Si l’on faisait passer à travers ces disques un courant électrique, ils étaient polarisés et assemblés étroitement et puissamment. De cette façon était atteint ce curieux parallélisme avec les mouvements animaux qui était chez eux si surprenant et si troublant pour l’observateur humain. Des muscles du même genre abondaient dans les membres de la machine que je vis en train de décharger le cylindre, lorsque je regardai la première fois par la fente. Elle semblait infiniment plus animée que les réels Martiens, gisant plus loin en plein soleil, haletant, agitant vainement leurs tentacules et se remuant avec de pénibles efforts, après leur immense voyage à travers l’espace.

Tandis que j’observais encore leurs mouvements affaiblis et que je notais chaque étrange détail de leur forme, le vicaire me rappela soudain sa présence en me tirant violemment par le bras, je tournai la tête pour voir une figure renfrognée et des lèvres