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moyen d’une sorte de minuscule pipette dans un canal récepteur.

Sans aucun doute, nous éprouvons à la simple idée de cette opération une répulsion horrifiée, mais, en même temps, réfléchissons combien nos habitudes carnivores sembleraient répugnantes à un lapin doué d’intelligence.

Les avantages physiologiques de ce procédé d’injection sont indéniables, si l’on pense à l’énorme perte de temps et d’énergie humaine qu’occasionne la nécessité de manger et de digérer. Nos corps sont en grande partie composés de glandes, de tubes et d’organes occupés sans cesse à convertir en sang une nourriture hétérogène. Les opérations digestives et leur réaction sur le système nerveux sapent notre force et tourmentent notre esprit. Les hommes sont heureux ou misérables selon qu’ils ont le foie plus ou moins bien portant ou des glandes gastriques plus ou moins saines. Mais les Martiens échappaient à ces fluctuations organiques des sentiments et des émotions.

Leur indéniable préférence pour les hommes, comme source de nourriture, s’explique en partie par la nature des restes des victimes qu’ils avaient amenées avec eux comme provisions de voyage. Ces êtres, à en juger par les fragments ratatinés qui restèrent au pouvoir des humains, étaient bipèdes, pourvus d’un squelette siliceux sans consistance — presque semblable à celui des éponges siliceuses — et d’une faible musculature ; ils avaient une taille d’environ six pieds de haut, la tête ronde et droite, de larges yeux dans des orbites très dures. Les Martiens devaient en avoir apporté deux ou trois dans chacun de leurs cylindres, et tous avaient été tués avant d’atteindre la Terre. Cela valut aussi