Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
412
mercvre de france—ii-1900

inquiet, était d’avis, assez étrangement, de se remettre en route sur-le-champ ; j’insistais pour qu’il réparât ses forces en mangeant, quand arriva la chose qui devait nous emprisonner.

— Il n’est sans doute pas encore minuit, disais-je, et au même moment nous fûmes aveuglés par un éclat de vive lumière verte. Tous les objets que contenait la cuisine se dessinèrent vivement, clairement visibles avec leurs parties vertes et leurs ombres noires, puis tout s’évanouit. Instantanément, il y eut un choc tel que je n’en entendis jamais auparavant ni depuis d’aussi formidable. Suivant ce choc de si près qu’elle parut être simultanée, une secousse se produisit, avec, tout autour de nous, des bruits de verrerie brisée, des craquements et un fracas de maçonnerie qui s’écroule ; au même moment le plafond s’abattit sur nous, se brisant en une multitude de fragments sur nos têtes. Je fus renversé sur le plancher contre la poignée du four et restai étourdi. Je demeurai inanimé pendant longtemps, me dit le vicaire ; quand je repris mes sens nous étions encore dans les ténèbres et il me tamponnait avec une compresse, tandis que sa figure, comme je m’en aperçus après, était couverte du sang d’une blessure qu’il avait reçue au front.

Pendant un certain temps, il me fut impossible de me rappeler ce qui était arrivé. Puis les choses me revinrent lentement, et je sentis à ma tempe la douleur d’une contusion.

— Vous sentez-vous mieux ? demanda le vicaire à voix très basse.

À la fin, je pus lui répondre, et cherchai à me redresser.

— Ne bougez pas, dit-il ; le plancher est couvert de débris de vaisselle. Vous ne pouvez guère