Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
411
la guerre des mondes

tion, mais tout y était silencieux et désert. Nous ne rencontrâmes là aucun cadavre, et la nuit était trop sombre pour nous permettre de voir dans les rues transversales. Soudain, mon compagnon se plaignit de la fatigue et de la soif, et nous décidâmes d’explorer quelques-unes des maisons de l’endroit.

La première où nous entrâmes, après avoir eu quelque difficulté à ouvrir la fenêtre, était une petite villa écartée, et je n’y trouvai rien de mangeable qu’un peu de fromage moisi. Il y avait pourtant de l’eau, dont nous bûmes et je me munis d’une hachette qui promettait d’être utile dans notre prochaine effraction.

Nous traversâmes la route à un endroit où elle fait un coude pour aller vers Mortlake. Là s’élevait une maison blanche au milieu d’un jardin entouré de murs ; dans l’office nous découvrîmes une réserve de nourriture — deux pains entiers, une tranche de viande crue et la moitié d’un jambon. Si j’en dresse un catalogue aussi précis, c’est que nous allions être obligés de subsister sur ces provisions pendant la quinzaine qui suivit. Au fond d’un placard, il y avait aussi des bouteilles de bière, deux sacs de haricots blancs et quelques laitues ; cet office donnait dans une sorte de laverie, d’arrière-cuisine, où se trouvaient un tas de bois et un buffet qui renfermait une douzaine de bouteilles de vin rouge, des soupes et des poissons conservés et deux boîtes de biscuits.

Nous nous assîmes dans la cuisine adjacente, demeurant dans l’obscurité — car nous n’osions pas même faire craquer une allumette — et nous mangeâmes du pain et du jambon et nous vidâmes une bouteille de bière. Le vicaire, encore timoré et