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mercvre de france—ii-1900

d’une épaisse couche de poussière noire. Ce linceul de cendre poudreuse me faisait penser à ce que j’avais lu de la destruction de Pompéi. L’esprit hanté de ces spectacles étranges, nous arrivâmes sans mésaventure à Hampton Court, et là, nos yeux eurent un réel soulagement à trouver un espace vert qui avait échappé au nuage suffocant. Nous traversâmes le parc de Bushey, où des daims et des cerfs allaient et venaient sous les marronniers ; à une certaine distance, des hommes et des femmes — les premiers êtres que nous ayons rencontrés encore — se hâtaient vers Hampton Court ; nous passâmes ainsi à Twickenham.

Au loin, les bois, par-delà Ham et Petersham, brûlaient encore. Twickenham n’avait souffert ni du Rayon Ardent, ni de la Fumée Noire, et il y avait encore dans ces localités des gens en grand nombre, mais personne ne put nous donner de nouvelles. Pour la plupart, tout le monde, comme nous, profitait d’une accalmie pour changer de quartiers. J’eus l’impression qu’une certaine quantité de maisons étaient encore occupées par leurs habitants épouvantés, trop effrayés sans doute pour essayer de fuir. Les signes d’une débandade hâtive abondaient le long du chemin. Je me rappelle très vivement trois bicyclettes brisées et enfoncées dans le sol par les roues des voitures qui suivirent. Nous traversâmes le pont de Richmond vers huit heures et demie, fort précipitamment, car on s’y trouvait trop exposé, et je remarquai, descendant le courant, un certain nombre de masses rouges. Je ne savais pas ce que c’était, n’ayant pas le temps d’examiner longuement, mais je me fis à leur propos des idées beaucoup plus horribles qu’il ne fallait. Là, encore, sur la rive du Surrey, s’étalait