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L’ENFANT MALADE

enfance, vous ne fûtes ainsi reçu chez les hommes par un fils et sa mère qui vous attendaient.

Certes nous avions expérimenté bien des remèdes, mais tout nouveau remède est doué de propriétés particulières dont la meilleure est d’entretenir l’espérance. Les médecins vous promènent à travers les connaissances humaines.

Le matin des cautères je ne m’attendais pas à ce qui allait arriver. Connaissant ma maladie, mon cerveau l’avait domestiquée et l’associait à ma vie sans crainte de rébellion, mais un jour il s’aperçut que cette bête domestique était une bête parce qu’on agissait avec elle comme avec une bête. En effet les cautères prennent la chair et la rongent furieusement. On voit ainsi une bande de chiens de chasse dévorer un sanglier des bois. Le médecin opérait, maman me tenait la tête et moi je me plaignais, longuement, avec des geignements égaux. Je revoyais cette grosseur que Dieu posa sur ma joue et qui me traînait depuis si longtemps déjà, sur sa route ardue où mes forces se lassaient. Je demandais compte à toutes les puissances humaines ou divines de leur malédiction. Vous m’avez blessé, moi qui n’ai rien fait. J’allais à l’école tous les matins et j’accomplissais tous mes devoirs lorsque vous m’avez blessé. Et vous m’avez blessé au visage afin que la blessure fût visible et pour que le châtiment fût profond. Ma joue se creuse sous deux cautères et c’est une marque infâme que vous m’imposez à jamais. Mais, au moins, laissez-moi guérir. Entrez votre poing dans ma chair, et que j’en souffre, mais au moins laissez-moi guérir.

Quelques jours plus tard, lorsque le médecin enleva les deux cautères, il y avait deux trous que nous devions faire suppurer. Jusqu’ici j’avais bien