Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/367

Cette page a été validée par deux contributeurs.
368
MERCVRE DE FRANCE—II-1900

levait chaque matin et traînait des jours gris dans notre maison, le long des rues de l’école et parmi les livres. On le voyait se dresser pendant des heures et poser ses poings lourds sur ma tête. Nous allions souvent chez le médecin, et ces jours-là le temps de notre vie semblait un peu plus clair et plus léger. On dirait que les médecins nous guérissent du temps. Nous allions chez le médecin. Aide-toi, le ciel t’aidera. Ah ! oui, nous nous aidions, mais le ciel mettait bien longtemps à nous aider. En avons nous usé de la patience, maman ! Lorsque nous nous donnions la main en descendant chez le médecin, nous pensions : Il y a bien longtemps déjà que nous connaissons ce chemin. Et nous remontions tous deux en pensant : Il y a bien longtemps déjà que le médecin ne connaît rien à ce mal.

Le temps passa, tout habillé de fer, comme un guerrier dangereux qui ne veut pas passer.

Une fois le temps s’arrêta auprès de nous. C’est parce que le médecin croyait que deux cautères pourraient me guérir. Oui, le médecin dit un jour : « Il faudrait lui poser deux cautères. Ça ne sera pas grand’chose et ça le soulagera certainement. » Il me demanda : « Et comment écris-tu cautère ? — Coterre. — Mais non, répondit-il, parce que ça ferait coterr…re. Il faut l’écrire Cautère. » Savoir écrire leur nom me rendait les cautères familiers. Cautère, vous ressembliez à mes bêtes familières, à Jeanne d’Arc et à Napoléon et vous veniez à moi, comme eux, à travers ma jeune science pour faire du bien à mes maux. Pendant huit jours, cautère, nous vous attendions comme un bienfait : moi parce que je vous connaissais et maman parce qu’elle espérait en vous. Je crois que jamais, cautère de mon