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MERCVRE DE FRANCE—II-1900

blottissent au nid, elles sont de bonnes pensées tièdes et frileuses. Mélancoliques pensées des malades, pensées bonnes et fines, l’âme à son tour prend un peu de votre forme, et bienheureux les enfants malades, car ils auront de la finesse et de la bonté.

Maman, qui me voyait dépérir, ne s’habituait pas à mon mal. Il y avait un enfant qui ressemblait aux autres enfants avec sa vie saine et son bonheur. J’étais beau comme un travail qu’elle avait fait. Je représentais une partie de sa chair et de son sang et sur mes idées on sentait que ses mains avaient passé. Or cet enfant qui jouait s’assied dans un coin pour souffrir. Ce travail que l’on a fait, ce bel objet qui vous avait coûté tant de peine, qu’un souffle passe encore : il sera brisé ! Et la chair de votre chair se corrompt, le sang de votre sang s’amasse en un endroit de la joue et devient du pus et de la douleur. Oui, ses idées sont bien ce que j’en avais fait, mais les idées dans ce corps maigre tremblent et pâlissent, jusqu’à ce qu’elles meurent, mon Dieu !

Alors, puisque le médecin n’y pouvait rien, maman s’arrangea pour me guérir elle-même. Les médecins qui ont fait des études connaissent beaucoup de maladies, mais pour guérir un malade il faut le soigner avec cet instinct que donne une grande bonté. Dans les hôpitaux, de vieux chirurgiens et de jeunes internes pratiquent toute la science des écoles, or beaucoup d’hommes meurent parce qu’on ne sait pas les soigner avec amour. La Bonté est plus forte que la science humaine. Il faudrait que la médecine fût un sacerdoce et que chaque médecin pratiquât son métier comme on accomplit un grand devoir. Loin des plaisirs du monde, dans sa pensée et dans son cœur, il faudrait que le médecin