Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.
356
MERCVRE DE FRANCE—II-1900

france et la peur se joignaient en moi, pareilles à deux mains qui s’unissent et pressurent un cœur.

L’incision fut faite, après laquelle il y avait une plaie suppurante et dont on entretenait la suppuration. Je fus à cette époque un enfant de sept ans qui, la tête cerclée d’un bandeau, offrait à l’air un visage pâlissant dans les linges. Tout le jour, ma petite chaise et moi, au pied du lit, au coin du feu, formions un meuble immobile et geignant. Parfois maman changeait les pansements avec ses bons doigts, mais un toucher, une caresse, en passant, remuent la vie douloureuse d’un malade et l’agitent. Alors elle me prenait sur ses genoux et me berçait. Or, il y avait en son sein une chaleur qui m’endormait, le soir, loin des abcès cruels, auprès d’une mère dont les deux ailes me recouvrent.

Cet abcès ne termina rien. Un jour il se ferma, et la grosseur de ma joue subsistait. Le médecin encore me tâta, me fit ouvrir la bouche, examina toute chose, réfléchit une dernière fois et dit : « Décidément je n’y comprends rien. Un nouveau médecin vient de s’installer ici : vous devriez le voir afin qu’il essaye aussi de guérir votre enfant. »

C’est ainsi. Il y a des étudiants en médecine qui s’amusent à Paris et qui étudient afin d’être docteurs. Et puis ils sont riches et s’établissent dans un coin de province où ils doivent guérir les malades. Leur vie est joyeuse auprès des gentilshommes campagnards alors qu’ils mangent et qu’ils boivent. Ils courent un peu les filles, ils chassent et ce sont des bons vivants. Ils parcourent la campagne et font leur métier pour augmenter leurs revenus. On les aime parce qu’ils sont gais et parce qu’ils se portent bien. On leur ouvre les portes et on les accueille dans les maisons comme on accueille la gué-