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MERCVRE DE FRANCE—II-1900

Je ne promenais plus mon mal comme au premier jour, car il était tel que rien ne pouvait le distraire. Assis sur une chaise et penché, voyez-vous cet enfant : quelque chose est sur lui, trop lourd pour ses petites forces. Il pleure, il invoque sa mère, il invoque Dieu et toutes les puissances qu’il connaît : quelque chose est sur lui, terrible comme un châtiment. La mère pense : « Mon enfant ne vous a jamais offensé, mon Dieu, et moi que vous ai-je donc fait pour que vous vouliez le punir ? Mon Dieu, c’est à moi que vous auriez dû donner cette souffrance. »

Il y eut une fluxion. Elle croissait, on fit venir le médecin qui la tâta, la pressa, n’y connut pas grand’chose et dit : « C’est sans doute un abcès, nous le percerons dans quelques jours. Ces visites du médecin vous rassurent un peu et l’on souffre avec plus de calme, en vue de la guérison.

Le médecin revint. Ce n’était pas un abcès. Quelque chose : une grosseur, une tumeur, on ne sait quoi… Ma pauvre tête entière était malade. Je sentais cela sur mon front, sur mes cheveux, dans mon cerveau, sur ma nuque, comme une grosse main appuyée qui me faisait courber la tête. Le médecin ordonna une pommade. Pommade, pommade, tous les matins et tous les soirs le mal se riait de vous et vous restiez là, inoffensive et ridicule. Pommade, pommade, tous les matins et tous les soirs votre pot de pommade désemplissait un peu, mais vous étiez, blanche, aussi vaine qu’une belle dame auprès d’un accident.

Un jour succède à l’autre pendant qu’une douleur succède à une autre douleur. Voici les jours noirs qui naissent avec un matin fatigué. Huit heures et la soupe sont tristes comme un remède à ceux qui n’ont pas d’appétit. Neuf heures, dix heu-