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mercvre de france—i-1900


iii


Mon enfant, mon agneau, ma colombe,
Le jardin s’assoupit, la nuit tombe,
Repose sur mon cœur, repose,
Sans vouloir, sans savoir, sans entendre,
Toute offerte au baiser tiède et tendre
Qui fait s’ouvrir ta bouche close.

Le tilleul bercera notre idylle
De son ombre embaumée et mobile ;
Aimons, aimons-nous, chaque chose
Nous invite à goûter sans parole
L’instant bref qui s’effeuille ou s’envole.
Aimons-nous, mon oiseau, ma rose.

iv


Ainsi qu’un lierre obscur ceint le bord d’une coupe
La montagne en traits noirs sur le ciel se découpe,
Sur le ciel pâlissant et pur d’un soir d’été.
L’âme à la fin du jour goûte à la volupté
D’être comme une fleur trop lourde qui s’incline.
La cendre de la nuit flotte sur la colline
Et des flocons, de cendre encor, montent des toits.
Aux bruits de pas se mêle un bruit confus de voix.
On regarde l’azur qui s’étoile sourire.
L’ombre est chaude, une haleine amoureuse soupire
Et son baiser furtif pénètre jusqu’au cœur.
On rêve, il semblerait qu’une même langueur
Oppresse le feuillage et la gorge des femmes.
Paix sur la terre et dans le ciel. Paix sur les âmes.

charles guérin.