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soirs d’été


SOIRS D’ÉTÉ



Une flûte au son pur, je ne sais où, soupire.
C’est dimanche, la ville est calme et le soir bleu
Et l’âme ayant trouvé la paix qu’elle désire
Bénit ce jour qui passe et la bonté de Dieu.

Ah ! quel que soit le lied qu’on joue au crépuscule,
Là-bas, dans les jardins, ce dimanche d’été,
Le lied mélodieux qu’une flûte module,
À l’entendre mon cœur se fond de volupté.

J’imagine une main de femme, longue et pâle,
Dont les doigts ou levés ou posés sur le buis
Font tendrement chanter l’amour qui s’en exhale,
Je vois les yeux pensifs boire le ciel, et puis,

Songeant qu’un large mur de pierre nous sépare
Et que la vie, hélas ! plus dure est entre nous,
Je mêle aux pleurs glacés dont l’Orient se pare
Mes pleurs d’homme, brûlants et lourds, amers et doux.


ii



Est-ce dans le couvent voisin qui se recueille
Le rosaire et le bruit d’abeilles des Avé ?
Est-ce dans le vent du soir qui joue avec la feuille ?…
Je ne sais. Mais un jour encore s’est achevé.

Joignons les mains, joignons nos cœurs et bouche à bouche
Puisque le tendre amour nous parle, écoutons-le,
Rêvons. Vesper sourit, la colombe se couche,
Et le tilleul embaume et baigne dans l’air bleu.