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la guerre des mondes

Il allait à une vitesse telle qu’en une minute il parut être à moitié chemin entre le steamboat et les Marsiens — masse noire qui diminuait contre la bande horizontale de la côte d’Essex.

Soudain le plus avancé des Marsiens abaissa son tube et déchargea contre le cuirassé un de ses projectiles suffocants. Il l’atteignit à bâbord et l’obus glissa avec un jet noirâtre et ricocha au loin sur la mer en dégageant un torrent de Fumée Noire, auquel le cuirassé échappa. Il semblait aux gens qui du steamer voyaient la scène, ayant le soleil dans les yeux et près de la surface des flots, il leur semblait que le cuirassé avait déjà rejoint les Marsiens. Ils virent les formes géantes se séparer et sortir de l’eau à mesure qu’elles regagnaient le rivage ; l’un des Marsiens leva le générateur du Rayon Ardent qu’il pointa obliquement vers la mer, et à son contact des jets de vapeur jaillirent des vagues. Le Rayon dut passer sur le flanc du navire comme un morceau de fer chauffé à blanc sur du papier.

Une soudaine lueur bondit à travers la vapeur montante, et le Marsien chancela et trébucha. Au même instant il était renversé et une volumineuse quantité d’eau et de vapeur fut lancée à une hauteur énorme dans l’air. L’artillerie du Fulgurant résonna à travers le tumulte, les pièces tirant l’une après l’autre, et un projectile fit éclabousser l’eau non loin du steamer, ricocha vers les navires qui fuyaient vers le nord et une barque fut fracassée en mille morceaux.

Mais nul n’y prit garde. En voyant s’écrouler le Marsien, le capitaine vociféra des hurlements inarticulés, et la foule des passagers sur l’arrière du steamer poussèrent un même cri. Un instant