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la guerre des mondes

— Ils viennent ! disait un homme à cheval en passant devant l’entrée du chemin.

— Attention, là ! vociférait un cocher haut perché sur son siège ; et mon frère vit une voiture fermée qui s’engageait dans l’étroit chemin. Les gens s’écartèrent, en s’écrasant les uns contre les autres, pour éviter le cheval. Mon frère fit reculer contre la haie le poney et la chaise ; la voiture passa et alla s’arrêter plus loin auprès du tournant. C’était une voiture de maître, avec un timon pour deux chevaux ; mais il n’y en avait qu’un d’attelé.

Mon frère aperçut vaguement à travers la poussière deux hommes qui soulevaient quelque chose sur une civière blanche et déposaient doucement leur fardeau à l’ombre de la haie de troënes.

L’un des hommes revint en courant.

— Est-ce qu’il y a de l’eau par ici ? demanda-t-il. Il a très soif, il est presque moribond. C’est Lord Garrick.

— Lord Garrick ! répondit mon frère, le Premier Président à la Cour ?

— De l’eau ? répéta l’autre.

— Il y en a peut-être dans une de ces maisons, dit mon frère, mais nous n’en avons pas et je n’ose pas laisser mes gens.

L’homme essaya de se faire un chemin à travers la foule jusqu’à la porte de la maison du coin.

— Avancez ! disaient les gens en le repoussant. Ils viennent ! Avancez !

À ce moment l’attention de mon frère fut distraite par un homme barbu à face d’oiseau de proie, portant avec grand soin un petit sac à main, qui se déchira, au moment même où mon frère l’apercevait et dégorgea une masse de souverains qui s’éparpilla en mille morceaux d’or. Les monnaies roulèrent en tous