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naient. Son adversaire, un solide gaillard, fit mine de le frapper, mais il l’arrêta d’un coup de poing en pleine figure. Alors comprenant qu’il était abandonné, il prit sa course et descendit le chemin à la poursuite de la voiture, tandis que son adversaire le serrait de près et que le fugitif, enhardi maintenant, accourait aussi.

Soudain il trébucha et tomba ; l’autre s’étala tout de son long par-dessus lui, et quand mon frère se releva, il se trouva à nouveau en face d’un couple d’antagonistes. Il aurait eu peu de chances contre eux si la dame svelte ne fût courageusement revenue à son aide. Elle avait été pendant tout ce temps en possession d’un revolver, mais il se trouvait sous le siège quand elle et sa compagne avaient été attaquées. Elle fit feu à six mètres de distance, manquant de peu mon frère. Le moins courageux des assaillants prit la fuite, et son compagnon dut le suivre en l’injuriant pour sa lâcheté. Tous deux s’arrêtèrent au bas du chemin, à l’endroit où leur compagnon gisait inanimé.

— Prenez ceci, dit la jeune dame en tendant son revolver à mon frère.

— Retournez à la voiture, répondit-il en essuyant le sang de sa lèvre fendue.

Elle se retourna sans un mot — ils étaient tous deux haletants — et ils revinrent à l’endroit où la dame en blanc tâchait de maintenir le poney.

Les voleurs en avaient évidemment assez, car mon frère, jetant un dernier regard vers eux, les vit s’éloigner.

— Je vais me mettre là, si vous le permettez, dit mon frère, et il s’installa à la place libre, sur le siège de devant.

La dame l’examina à la dérobée.