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la guerre des mondes

stations de Liverpool Street, des coups de revolvers furent tirés, des gens furent poignardés et les policemen qui avaient été envoyés pour maintenir l’ordre, épuisés et exaspérés, cassèrent la tête de ceux qu’ils devaient protéger.

À mesure que la journée s’avançait, que les mécaniciens et les chauffeurs refusaient de revenir à Londres, la poussée de la foule entraîna les gens, en une multitude sans cesse croissante, loin des gares, au long des grandes routes qui mènent au nord. Vers midi, on avait aperçu un Marsien à Barnes, et un nuage de vapeur noire, qui s’affaissait lentement, suivait le cours de la Tamise et envahissait les prairies de Lambeth, coupant toute retraite par les ponts dans sa marche lente. Un autre nuage passa sur Ealing et entoura sur Castle-Hill un petit groupe de fuyards vivants, mais incapables de s’échapper.

Après une lutte inutile pour trouver place à Chalk Farm dans un train du Nord-Ouest — les locomotives, après avoir fait leur provision de charbon à la gare des marchandises, labouraient la foule hurlante, et une douzaine d’hommes robustes avaient toutes les peines du monde à empêcher la foule d’écraser le mécanicien contre son fourneau — mon frère déboucha dans Chalk Farm Road, s’avança à travers une multitude précipitée de véhicules et eut le bonheur de se trouver au premier rang lors du pillage d’un magasin de cycles. Le pneu de devant de la machine dont il s’empara fut percé en passant à travers la glace brisée ; néanmoins il put s’enfuir sans autre dommage qu’une coupure au poignet. La montée de Haverstock Hill était impraticable à cause de plusieurs chevaux et véhicules renversés et mon frère s’engagea dans Belsize Road.