Page:Mercure de France - 1900 - Tome 33.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
la guerre des mondes

étincelles à travers la nuit et s’évanouirent, et tous ceux qui servaient ces batteries furent surexcités par l’attente. Dès que les Marsiens se seraient avancés jusqu’à la portée des bouches à feu, immédiatement ces formes noires d’hommes immobiles seraient secouées par l’ardeur du combat, ces canons aux reflets sombres dans la nuit tombante cracheraient un furieux tonnerre.

Sans doute, la pensée qui préoccupait la plupart de ces cerveaux vigilants, de même qu’elle était ma seule perplexité, était cette énigmatique question de savoir ce que les Marsiens comprenaient de nous. Se rendaient-ils compte que nos millions d’individus étaient organisés, disciplinés, unis pour la même œuvre ? Ou bien, interprétaient-ils ces jaillissements de flammes, les vols soudains de nos obus, l’investissement régulier de leur campement, comme nous pourrions interpréter dans une ruche d’abeilles dérangée un furieux et unanime assaut ? (À ce moment personne ne savait quel genre de nourriture il leur fallait.) Cent questions de ce genre se pressaient en mon esprit tandis que je contemplais ce plan de bataille. Au fond de moi-même, j’avais la sensation rassurante de tout ce qu’il y avait de forces inconnues et cachées derrière nous vers Londres. Avait-on préparé des fosses et des trappes ? Les poudrières de Hounslow allaient-elles servir de piège ? Les Londoniens auraient-ils le courage de faire de leur immense province d’édifices un vaste Moscou en flammes ?

Puis, après une interminable attente, nous sembla-t-il, pendant laquelle nous restâmes blottis dans la haie, un son nous parvint, comme la détonation éloignée d’un canon. Un autre se fit entendre plus proche, puis un autre encore. Alors, le Marsien qui