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wich et de Chatham pour protéger Kingston. On échangeait des plaisanteries.

— Vous allez être mangés !

— Nous allons dompter les bêtes féroces !

Et ainsi de suite.

Peu après cela, une escouade d’agents de police arriva qui se mit en devoir de dégager les quais de la gare, et mon frère se retrouva de nouveau dans la rue.

Les cloches des églises sonnaient les vêpres, et une bande de Salutistes descendit Waterloo Road en chantant. Sur le pont, des groupes de flâneurs regardaient une curieuse écume brunâtre qui descendait le courant. Le soleil se couchait, et la Tour de l’Horloge et le Palais du Parlement se dressaient contre le ciel le plus paisible qu’on pût imaginer, un ciel d’or, coupé de longues bandes de nuages pourpres et rougeâtres. On parlait d’un cadavre qu’on aurait vu flotter. Un homme, qui prétendait être un réserviste, dit à mon frère qu’il avait vu les taches lumineuses de l’héliographe trembloter vers l’ouest.

Dans Wellington Street, mon frère rencontra deux vigoureux gaillards qui venaient juste de quitter Fleet Street avec des journaux encore humides et des placards où s’étalaient des titres sensationnels.

— Terrible catastrophe ! criaient-ils l’un après l’autre en descendant la rue. Une bataille à Weybridge ! Détails complets ! Les Marsiens repoussés ! Londres en danger !…

Il dut donner six sous pour en avoir un numéro.

Ce fut à ce moment, et alors seulement, qu’il se fit une idée de l’énorme puissance de ces monstres et de l’épouvante qu’ils causaient. Il apprit qu’ils