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l’œuf de cristal

épaule, il alla doucement fermer la porte. M. Cave était un petit vieillard à la figure pâle avec de singuliers yeux d’un bleu aqueux ; ses cheveux étaient d’un gris sale et il portait une redingote bleue râpée, un vieux chapeau de soie, et des pantoufles en tapisserie, fort éculées. Il se mit à épier les deux hommes. Le clergyman fouilla tout au fond de la poche de son pantalon, examina une poignée de monnaie et un agréable sourire découvrit ses dents. M. Cave parut encore plus décontenancé quand il les vit entrer dans la boutique.

Le clergyman, sans autre cérémonie, demanda le prix de l’œuf de cristal. M. Cave jeta, un coup d’œil inquiet du côté de l’arrière boutique et répondit : cinq guinées. Le clergyman, s’adressant à son compagnon aussi bien qu’à M. Cave, protesta que le prix était trop élevé, et il essaya de marchander. — C’était en vérité beaucoup plus que M. Cave ne se proposait d’en demander quand d’abord il l’avait mis en montre. — M. Cave s’avança jusqu’à la porte de la boutique et l’ouvrit :

— Cinq guinées, c’est mon dernier prix, dit-il, comme pour s’épargner l’ennui d’une discussion inutile.

À ce moment, le haut d’une figure de femme parut au-dessus du rideau qui cachait la partie inférieure du panneau vitré de la porte de l’arrière-boutique, et de petits yeux regardèrent curieusement les deux clients.

— Cinq guinées, c’est mon dernier prix, répéta M. Cave avec un tremblement dans la voix.

Le jeune homme au teint sombre était jusqu’ici resté simple spectateur, son regard perçant examinant M. Cave. Tout à coup, il parla.

— Donnez-lui cinq guinées.