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s’approcher de nouveau. Leurs attouchements devinrent plus hardis et ils se murmurèrent les uns aux autres des sons bizarres. Je frissonnai violemment et me remis à pousser des cris d’une façon plutôt discordante. Cette fois, ils furent moins sérieusement alarmés et ils se rapprochèrent avec un singulier petit rire. Je dois confesser que j’étais horriblement effrayé. Je me décidai à craquer une autre allumette et à m’échapper protégé par sa lueur ; je fis durer la lumière en enflammant une feuille de papier que je trouvai dans ma poche et j’opérai ma retraite vers l’étroit tunnel.

« Mais j’y pénétrais à peine que la flamme s’éteignit, et, dans l’obscurité, je pus entendre les Morlocks bruire comme le vent dans les feuilles ou la pluie qui tombe, tandis qu’ils se précipitaient à ma poursuite.

« En un moment je me sentis saisir par plusieurs mains, et je ne pus me méprendre sur leur intention de me ramener en arrière. Je craquai une autre allumette et l’agitai à leurs faces éblouies. Vous pouvez difficilement vous imaginer combien ils paraissaient peu humains et nauséabonds — la face blême et sans menton, et leurs grands yeux d’un gris rosâtre sans paupières — tandis qu’ils s’arrêtaient aveuglés et égarés. Mais je ne m’attardai guère à les considérer, je vous le promets : je continuai ma retraite, et lorsque la seconde allumette fut éteinte, j’allumai la troisième. Elle était presque consumée lorsque j’atteignis l’ouverture qui s’ouvrait dans le puits. Je m’étendis à terre sur le bord, car les battements de la grande pompe du fond m’étourdissaient. Je cherchai sur les parois les échelons, et tout à coup, je me sentis saisir par