Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
389
COMMENTAIRE

resterons animés en raison de l’inertie), tous les instants futurs et passés (nous constaterons plus loin que le Passé est par delà le Futur, vu de la Machine) seraient explorés successivement, de même que le spectateur sédentaire d’un panorama a l’illusion d’un voyage rapide le long de paysages successifs.

II

THÉORIE DE LA MACHINE

Une Machine qui nous isole de la Durée, ou de l’action de la Durée, vieillir ou rajeunir, ébranlement physique imprimé à un être inerte par une succession de mouvements, devra nous rendre transparents à ces phénomènes physiques, nous les faire traverser sans qu’ils nous modifient ni déplacent. Cet isolement sera suffisant (il est d’ailleurs impossible de le combiner plus parfait) si le Temps, nous dépassant, nous communique une impulsion minime, mais qui compense le ralentissement de notre durée habituelle conservée par inertie, ralentissement dû à une action comparable à la viscosité d’un liquide ou au frottement d’une machine.

Être immobile dans le Temps signifie donc traverser (ou être traversé impunément par, comme un carreau de vitre laisse sans rupture passage à un projectile, ou mieux la glace se reforme après la section d’un fil de fer, et un organisme est parcouru sans lésion par une aiguille aseptique) tous les corps, tous les mouvements ou toutes les forces dont le lieu successif sera le point de l’Espace choisi par l’Explorateur pour le départ de sa Machine à être immobile.

La Machine de l’Explorateur du Temps doit :

1° Être d’une rigidité, c’est-à-dire élasticité absolue, afin de pénétrer le solide le plus dense à la manière d’une vapeur infiniment raréfiée.

2° Soumise à la pesanteur afin de rester dans le même