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Il promena ses regards autour de la pièce.

— Du diable ! si je ne suis pas halluciné. Cette pièce, vous tous, cette atmosphère de vie quotidienne, c’est trop pour ma mémoire. Ai-je jamais construit une Machine, ou un modèle de Machine à voyager dans le temps ? Ou bien tout cela n’est-il qu’un rêve ! On dit que la vie est un rêve, un pauvre rêve, précieux parfois — mais je ne puis en subir un autre qui ne s’accorde pas. C’est de la folie. Et d’où m’est venu ce rêve ?… Il faut que j’aille voir la Machine… s’il en est une !

Brusquement, il prit la lampe et s’engagea dans le corridor. Nous le suivîmes. Indubitablement, là, sous la clarté vacillante de la lampe, se trouvait la Machine, laide, d’aspect trapu et louche, faite de cuivre, d’ébène, d’ivoire et de quartz translucide et scintillant. Rigide au toucher — car j’avançai la main et essayai la solidité des barres — avec des taches brunes et des mouchetures sur l’ivoire, des brins d’herbe et de mousse adhérant encore aux parties inférieures et l’une des barres faussée.

L’Explorateur posa la lampe sur l’établi, et passa sa main au long de la barre endommagée.

— C’est parfait maintenant, dit-il ; l’histoire que je vous ai contée est vraie. Je suis fâché de vous avoir amené ici au froid.

Il reprit la lampe, et, dans le silence le plus absolu, nous retournâmes au fumoir.

Il nous accompagna dans le vestibule quand nous partîmes, et il aida le Rédacteur en Chef à mettre son pardessus. Le Docteur examinait sa figure et, avec une certaine hésitation, lui dit qu’il devait souffrir de surmenage, ce qui le fit rire de bon cœur. Je me le rappelle, debout sur le seuil,