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avoir atteint une sûreté presque absolue. Le riche avait été assuré de son opulence et de son bien-être ; le travailleur de sa vie et de son travail. Sans doute, dans ce monde parfait, il n’y avait eu aucun problème inutile, aucune question qui n’eût été résolue. Et une grande quiétude s’en était suivie.

« C’est une loi naturelle trop négligée que la versatilité intellectuelle est la compensation du changement, du danger et de l’inquiétude. Un animal en harmonie parfaite avec son ambiance est un pur mécanisme. La nature ne fait jamais appel à l’intelligence à moins que l’habitude et l’instinct soient insuffisants. Il n’y a pas d’intelligence là où il n’y a aucun changement, ni besoin de changement. Seuls ont part à l’intelligence les animaux qui ont à affronter une grande variété de besoins et de dangers !

« Ainsi donc, comme je pouvais le voir, l’homme du monde supérieur avait dérivé jusqu’à la joliesse impuissante, et l’homme subterranéen jusqu’à la simple industrie mécanique. Mais à ce parfait état il manquait encore une chose pour avoir la perfection mécanique — la stabilité absolue. Apparemment, à mesure que le temps s’écoulait, la subsistance du monde souterrain, de quelque façon que le fait se soit produit, était devenue irrégulière. La Nécessité, qui avait été écartée pendant quelques milliers d’années, revint et reprit son œuvre en bas. Ceux du monde subterranéen étant en contact avec une mécanique qui, quelque parfaite qu’elle ait pu être, nécessitait cependant quelque peu de pensée en dehors de la routine, avaient probablement conservé, par force, un peu plus d’initiative et moins des autres caractères humains